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Albert

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Par Danielle Ross

Crédit photo : Jacinthe Coulombe

Albert.

Qui se souvient encore de l’onde de choc à Saint-Ulric le 20 novembre 2003 ?

Albert, mon père, le centenaire du village, venait de mourir.

100 ans et 4 mois.

Un si bon pied.

Un si bon pas.

Un si bon œil.

Albert est décédé, frappé par une voiture, devant le bureau de poste ce jour-là de novembre.

Papa marchait cinq kilomètres par jour.

Il limait les scies de bien des gens de la Matanie dans son petit atelier près de la maison et cela sans porter de lunettes.

Il avait une très bonne santé physique, mais aussi une très grande mémoire.

Oui vraiment ce fut vraiment une onde de choc au village.

Albert, l’Aimé de toutes et de tous.

Le Silence dans les chaumières…

… et puis le brouhaha, l’étonnement, la tristesse aux téléphones, aux portes des maisons, au Marché Dubé, sur le trottoir… partout.

Mon père Albert.

Il pouvait raconter l’histoire de chaque maison bâtie depuis le début du siècle.

Les gens de l’extérieur venaient le voir pour l’interroger sur leurs ancêtres.

Joueur de Pétanque invétéré, la joie qu’il avait eue à recevoir de l’association de la Pétanque du Canada un certificat du joueur le plus âgé du Canada à 100 ans.

Lui qui assistait à toutes les séances du Parti Québécois.

Lui qui offrait son aide à 95 ans aux scouts du village.

Lui qui regardait sa maison à 90 ans et qui disait « il va falloir que je refasse la toiture dans 10 ans ».

Lui qui recevait à 99 ans ses petits enfants pour leur offrir le diner. Parait-il qu’il faisait les meilleurs hot-dogs de la Gaspésie.

Lui qui à 93 ans animait des activités à l’école. Petits objets en bois. Et le soir dans la grande chambre d’en haut, il collait les miniatures, petit morceau par petit morceau, pour celles et ceux qui n’avaient pas eu le temps de les terminer.

Cet Albert Ross qui rendait mal à l’aise, ils me l’ont dit, les gens qui ne marchaient pas, et qui le voyaient passer sur la rue principale tous les jours.

Albert qui montait la côte de la rue des Prés sans s’arrêter pour reprendre son souffle.

Albert qui marchait sur la grève en se souvenant du vieux quai de bois disparu et de la goélette Saint-Ulric.

Albert qui nous chantait la complainte du Titanic dans les soupers en buvant son brandy. Il avait 8 ans lors du naufrage de ce grand vaisseau.

La peine aussi qu’il avait de voir tous ses amies et amis disparaitre avant lui.

Albert marié à 40 ans avec ma mère qui avait déjà 5 enfants.

Il l’avait vue à 20 ans.

Il l’avait espérée. Il me l’a dit.

Et puis sont venus au monde quatre autres enfants.

Albert.

Il y aurait tant de choses à raconter.

La drave, les chantiers, diplômé en menuiserie à 63 ans… et toutes les histoires qu’il savait encore et qui sont maintenant disparues avec lui.

… Et Grand-Père pour la dernière fois à 87 ans.

Je souris en pensant à lui.

Quand les enfants « passaient » l’Halloween, il donnait des bonbons aux petits et un petit verre de vin blanc aux parents.

Quelqu’un a dit au Salon Funéraire :

— Nous ne saurons jamais à quel âge il se serait rendu, s’il n’y avait pas eu cette voiture, devant le bureau de poste.

Il pleuvait et ventait ce jour-là 20 novembre 2003 à 17 h 15.

Je l’avais vu le matin.

Il m’avait dit :

« J’irai chercher la poste ce soir en revenant des cartes. »

Ce qu’il ne faisait jamais.

C’était sa destinée.

La Rose au Bois c’était ma mère.

Et puis, je vais vous dire un secret. Albert disait qu’il y avait une mine de diamants au 4e rang, celui de son enfance.

Qui sait ?

20 ans en novembre, Albert Ross, mon père. Et on m’en parle encore.

 

 

 

 

 

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