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La patinoire

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Par Danielle Ross

 

En janvier, à Saint-Ulric nous patinons tout le temps.

Et nous glissons sur des « caltrons » dans la côte de Pierre-Paul, maintenant rue des Prés, car à cette époque, la côte n’est pas déneigée.

Mais le plus plaisant c’est la patinoire !

Il y en a eu plusieurs.

 

Il y a celle derrière le presbytère avant la construction du collège.

Beaucoup d’amourettes se vivent sous les yeux des religieuses du couvent, qui surveillent par la fenêtre.

Et qui le matin, parlent en classe de ce qu’elles ont vu, et vouent aux enfers les deux jeunes qu’elles ont surpris à s’embrasser.

 

Nous arrivons de l’école et nous chaussons nos patins.

Les nôtres, c’est papa qui les aiguise.

Notre père est limeur de scies, alors nos patins sont des armes en cas de danger.

Mais le danger, c’est bien loin de chez nous.

Alors nos patins patinent. C’est le but.

Nous revenons les mains et les pieds gelés.

Les gros élastiques de cheville de nos culottes d’étoffe « pris dans la glace » !

Maman pour nous réchauffer, prépare comme collation une grosse tranche de pain, la saupoudre de sucre d’érable et verse du thé noir sur le pain.

Je sais maintenant que la caféine servait à nous stimuler, nous si fatigués de la journée.

 

Plus tard, adolescents, nous patinons en jeans sur la musique des Beatles.

La patinoire s’est transportée vers le terrain au coin du pont où il y a le parc maintenant.

Il y a un local dans le bâtiment de la Saint-Jean-Baptiste, au bord de la mer et de la rivière, avec un poêle à bois, un tout petit poêle à bois appelé élégamment une truie.

Alors quand nous arrivons les premiers à la cabane, le gardien, monsieur Adrien Caron dit :

« Attendez, je vais allumer la truie ».

Je veux présenter mes excuses à M. Caron, car quand le poêle est bien chaud, nous mettons notre gomme balloune à brûler sur le dessus du poêle.

Ce n’est pas très gentil et assez salissant et malodorant.

 

Souvent, après l’école, nous mettons nos patins à la maison, car le local est fermé.

Nous marchons jusque-là, un bon bout de chemin.

J’ai souvenir du bruit de la lame du patin sur la neige durcie de la rue, et de la fatigue de mes chevilles

Criche ! Criche ! Criche !

 

En arrivant à la patinoire, tout le monde déneige avec les grandes pelles.

C’est normal.

Nous le faisons tous, grands et petits.

 

Et à la patinoire, bien sûr, il y a les garçons qui nous demandent :

Viens-tu patiner ?

Et nous patinons en nous tenant par la main ou par la taille sur les valses de Strauss.

Maman nous a dit ce qu’est cette musique si entrainante.

Moment magique, nous nous sentons bien importantes de patiner avec un garçon.

 

Un hiver, j’ai 12 ans. Un médecin s’est installé à Matane et vient souvent patiner au village avec ses enfants.

Il y a son fils Alexandre.

Mon cœur de 12 ans bat bien fort quand nous patinons ensemble.

Alexandre est un enfant de couleur.

Je crois le premier enfant noir vu au village.

Je me sens privilégiée.

J’ai droit aux regards réprobateurs des garçons du village,

bien accotés sur les bandes de la patinoire et qui nous regardent passer et repasser devant eux.

Mais je n’en ai que faire.

Je patine.

Puis, la famille est repartie et je n’ai jamais revu mon beau Patineur.

 

Il y a sur ces patinoires des batailles mémorables au ballon-balai contre Baie des Sables !

Des parties de hockey survoltées, et sans tous les équipements de maintenant. Des chicanes de prétendants qui vont jusqu’aux poings.

Personne n’appelle la police.

Cela se termine souvent avec quelques gouttelettes de sang sur la glace.

Et la vie continue… Nous patinons.

Sur cette patinoire en février, il y aura le palais de la Reine du Carnaval, fait de gros blocs de glace taillée sur la rivière, par notre père et d’autres hommes.

Mais cela c’est une autre histoire à raconter.

 

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