par Hugues Deglaire, biologiste
Tôt le matin, je marche sur la plage, le ciel est rosé. Il est presque cinq heures du matin et je cherche une place qui s’avance sur le fleuve pour assister à un spectacle. La mer est d’huile et j’entends le clapotis de l’eau sur les roches noires, pas un autre son. Le soleil pointe le bout de son nez derrière le village, et je distingue des points cordées en ligne au ras des flots: la migration des oiseaux marins peut commencer!
Ils arrivent principalement de l’est et longent le fleuve vers l’ouest, mais parfois, ils vont en direction inverse. Leur vol est rectiligne et très rapide: au-dessus de 50 km/h, mais certains atteignent des vitesses de presque 100 km/h! Et le défilé commence, parfois comme des points au large, mais parfois très proche. Et c’est ceux-là que je peux vous partager en images. Mais quels oiseaux peut-on observer exactement?
Ce sont les canards de mer, ces canards strictement plongeurs qui se nourrissent de crustacés et de mollusques en nageant sous l’eau avec leurs ailes, comme les eiders à duvet, les macreuses noires et les macreuses à front blanc, les garrots à œil d’or et garrots d’Islande, mais aussi la magnifique petite harelde kakawi. Ce sont les pingouins: notamment le guillemot à miroir et le petit pingouin, ces oiseaux que nos grands médias confondent souvent avec les manchots quand ils en parlent. Ces derniers ne vivent que dans l’hémisphère sud de la Terre et ne volent pas, mais les manchots se disent «penguins» en anglais, d’où l’erreur fréquente! Ce sont les bernaches cravants, ces petites oies noir anthracite aux reflets bruns. Ce sont aussi les cormorans, les plongeons huards et catmarins, les grèbes et quelques autres. Tout ce petit monde se déplace au travers des goélands et des fous de Bassan nouvellement arrivés dans l’estuaire pour nicher sur l’Île Bonaventure.
Cette migration va s’étendre sur environ deux heures après le lever du soleil. Ensuite, ils vont se poser dans les baies naturelles pour s’alimenter aux grés des marées. Puis ils reprendront leur route en remontant le courant du fleuve à tire d’ailes. Puis ils couperont au travers des terres de la Côte Nord pour rejoindre la Baie James et la Baie d’Hudson, et ils atteindront la toundra qui les a vus naître: c’est là où les femelles élèveront leurs poussins avant de reprendre leur migration à l’automne. Et dire qu’on se plaint qu’on n’arrête jamais nous, les humains!
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