Par Danielle Ross
Le plus beau, le plus grand dans ma tête d’enfant.
Quand les hommes du village commençaient à couper la glace dans la rivière, cela voulait dire que le Carnaval n’était pas loin.
Ils construisaient glace par glace, le château du Bonhomme et de la Reine tout près de la rivière, au bout de la patinoire, maintenant le parc des Rives.
Nous les petits, après l’école, nous courions voir où en était le château.
… Et le grand jour tant désiré arrivait et commençait les festivités.
Les Duchesses étaient choisies parmi les jeunes filles du village : elles pensaient déjà qui serait leur Prince consort.
Les petits pages pour accompagner la royauté ?
Qui serait dans l’habit du Bonhomme Carnaval ?
Nous devenions fébriles !
Sais-tu que les Quidams vont venir jouer ?
Tu sais, ils ont passé à Jeunesse Oblige, les gars de Matane.
Jean-Pierre Bérubé, le petit fils à Praxède et Zénon.
Et puis le club des raquetteurs, les Loups-Garous, sera dans la parade !
Car il y avait la parade…
Les décapotables où prenaient place les Duchesses,
Les majorettes de Matane, le rêve de toutes petites filles de Saint-Ulric.
La grande charrette à foin où nous les enfants embarquions, déguisés ou pas.
Maman a cousu dans de vieux rideaux de grandes jupes, et avec des cintres, elle a fait un cerceau rigide. Nos grandes jupes en tissus à carreaux et godées par ce cerceau nous donnaient l’impression d’être des princesses. Nous avions fière allure.
Le jour de la parade, les enfants grimpaient dans la charrette brimbalante.
Nous nous chamaillions pour avoir la première place juste sur le bord.
On se poussait.
On riait.
On envoyait la main comme si nous faisions partie de la royauté.
Personne ne tombait, ou si c’était le cas, un grand gars attrapait l’enfant et le reposait dans la charrette.
Personne ne s’inquiétait.
Et il y avait les monuments de glace.
La plupart des maisons participaient. C’était magique de se promener dans le village.
J’ai souvenir des grands chevaux de Denis Caron et du tireur à l’arc de Gaétan Dubé.
Mais mon plus souvenir, le plus doux et le plus vif du Carnaval de Saint-Ulric,
c’est une balade en carriole.
Notre voisin du haut de la côte avait sorti pour l’occasion la carriole
et enveloppé d’une belle couverture sa jument la Fine pour cette grande fête.
Son épouse, une grande amie de maman, m’a dit « Tu veux venir avec nous te promener dans les rangs ? »
Je me revois grimper et m’asseoir entre eux. Et me voilà blottie sous la grande couverture de fourrure, ma tête sur l’épaule de madame Alice.
Nous sommes allés jusqu’au pont à Ti-Pierre. Nous l’avons traversé.
Les clochettes accrochées à la Fine s’en donnaient à cœur joie. Moi aussi.
Il faisait beau et doux…
J’ai ressenti une joie tellement immense et je crois que madame Alice aussi.
Un instant de bonheur. Pur.
Nous sommes revenus par la route à James. À l’époque, il n’y avait que la route 6, pas de 132.
Le cheval allait bon train.
Moi j’étais bien heureuse.
Et puis, j’ai retrouvé mes amies dans la cour de la Saint-Jean-Baptiste.
Nous avons continué à nous tirailler pour voir les Quidams qui venaient d’arriver.
Ils n’avaient d’yeux que pour les belles grandes filles que nous trouvions TELLEMENT vieilles.
Les festivités continuaient. Course de raquettes. Sciages de bois. Hockey.
Il devait y avait quelques cipâtes qui cuisaient lentement dans les maisons pour recevoir la visite.
Le village était en fête.
Le samedi soir la Reine allait être couronnée. Je n’y assisterais pas.
Maman non plus.
Mais mes sœurs et mon frère seront là et mon père aussi.
Surtout que ma sœur Diane allait lire l’hommage à la reine Gaétane Desrosiers et qu’elle porterait pour l’occasion, pour la première fois, des souliers à talons hauts. Je crois aussi que ce fut la dernière fois. C’est elle qui me l’a dit.
Moi, mon bonheur du jour était complet :
J’avais fait un tour de carriole avec nos voisins d’en haut de la Côte,
Alice et Pierre-Paul.
Commentaires