Par Olivier Garot
Il y a des visages qui font un village.
Madeleine, Mado pour nous tous, tu es un de ces visages qui font de Saint-Ulric un village.
On te connaît, tu connais ton village. Tu prends ta marche pour t’arrêter discuter un instant ou regarder le fleuve plus longuement. Tu klaxonnes deux fois quand tu nous croises au volant de ta voiture blanche… comme la neige qui vient de bercer ton départ.
Ta couleur à toi était pleine d’humanisme, pleine d’humour et de doutes aussi.
Tu étais une aventurière de la vie, à ton échelle.
Tu cherchais le pourquoi. Tu avais cette âme d’enfant qui pousse à la curiosité et cette âme de grande qui pardonne à ceux qui t’ont trompée.
Ces dernières années tu interrogeais la vie, tu venais m’en parler. Tu te demandais pourquoi il est si difficile de veiller sur l’intergénérationnalité. Tu fondais d’amour devant chaque regard d’enfants, tu voyais en eux un avenir plus doux, presque réconfortant. Tu m’écrivais tes espoirs sur des lettres laissées au hasard sur ma vitre de char ou dans un sac accroché à ma poignée de porte, toujours avec quelques gâteries sucrées à partager pour les enfants du quartier.
Tu m’as raconté le Québec d’autrefois, la vie des rangs et leurs souffrances, la complexité d’une vie familiale reculée. Puis le motel « le Cordon rouge », les rencontres et les dérives de l’époque. Tu m’as raconté l’eau que tu devais aller chercher en bas de la colline, les enfants et les clients à s’occuper, un don de soi surdimensionné.
Et puis tu priais, tu priais, pour te sentir moins seule et plus forte. Mais tu me confiais souvent que tu lui demandais de venir te chercher, mais qu’il ne t’écoutait pas. Moi je suis sûre qu’il savait qu’on avait encore besoin de toi. Car tu savais rire, Mado, et tu savais faire rire aussi.
J’ai entendu des secrets lourds à porter, j’ai aperçu la peur qui te rongeait, j’ai essayé de te rassurer. Mais c’était plus fort que toi, tu craignais le jugement des autres, un jugement dernier mal orienté.
En tout cas, Mado, sache que Saint-Ulric a grandi avec toi comme avec toutes ces femmes qui ont travaillé si fort pour le bien des autres, dans l’humilité et la discrétion d’une époque, d’un village.
Je ne suis pas né ici, mais j’ai compris grâce à toi que la vie qui s’est installée à Saint-Ulric ne consistait pas seulement à défricher des terres et à les cultiver, il a fallu aussi défricher des mentalités. Aujourd’hui notre village est un havre de paix, fait de bienveillance et de solidarité. Tu es un des nombreux visages qui font notre village. Je pense donc à tous ces visages, à tous ces sourires qui nous ont quittés, et à ceux qui font de Saint-Ulric une communauté.
Merci, Mado, et bon voyage.
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