par Hugues Deglaire, biologiste
Le 8 mars 2013 au soir, en fin d’après-midi, je reçois un appel de mon ami Jacques de Sainte-Félicité. Il y a une mouette toute blanche immaculée qui a visité sa mangeoire et qui se trouve sur la plage du village. Je file dans mon véhicule sans trop tarder pour essayer d’éclairer ce mystère. Arrivé sur la plage du village, je retrouve l’oiseau sans trop de peine. Une mouette blanche: un oiseau qui provient du haut Arctique canadien et qui a l’habitude de suivre les ours polaires pour finir les restes de ses repas!
Avec Internet, la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre à travers les réseaux locaux d’ornithologues, et le lendemain matin, plusieurs observateurs viennent à la recherche de l’oiseau miraculeux. Mais après quelques jours de partage des images obtenues, on a conclu à quatre mouettes blanches différentes. Mais comment expliquer la présence de ces oiseaux si loin de leur aire de répartition habituelle? Il y avait eu de forts vents du nord-est pendant plusieurs jours, ce qui a pu les dévier de leur route en mer. Quelques jours après, des ornithologues observaient ces quelques oiseaux à Sept-Îles, alors qu’ils longeaient la Côte-Nord pour rejoindre leurs quartiers habituels, plus nordiques.
À la fin mars, alors que je photographiais les eiders à duvet, un beau mâle adulte d’eider à tête grise se trouvait parmi eux. Un oiseau qui est observé chaque hiver sur la côte gaspésienne, sans jamais être commun cependant. Les populations les plus au sud font leur nid à la pointe nord du Québec.
Je me rappelle aussi ce milan du Mississippi qui planait avec une buse à queue rousse au travers du parc éolien de Saint-Ulric, à plus de mille kilomètres au nord de son aire de répartition normale. Dans son cas, c’est une espèce en expansion, en quelques sortes prête à conquérir de nouveaux territoires. C’est le cas aussi du Dickcissel d’Amérique, un passereau qui se trouve parfois au travers des moineaux domestiques, et auxquels il ressemble beaucoup. Lui aussi est à près de mille kilomètres au nord de son aire de répartition normale.
J’ai déjà observé à l’embouchure de notre rivière Blanche le goéland brun, un immigré européen, tout comme moi! Cet oiseau a traversé l’Atlantique, possiblement à la faveur d’un fort courant qui l’a dévié de sa route habituelle.
Actuellement, trois bernaches du Canada hivernent à Matane. C’est une espèce commune par chez nous, mais qui ne se trouve habituellement pas présente en hiver. L’hiver généralement clément qu’on a présentement a probablement décidé ces oiseaux à tenter leur chance de ne pas migrer vers le sud, à leur risque et péril cependant!
Les oiseaux sont tributaires des tempêtes lors de leurs migrations et ça peut parfois les emmener très loin de l’endroit voulu au départ. Parfois, c’est un jeune qui explore de nouveaux territoires. Les perturbations climatiques actuelles pourraient jouer un rôle aussi dans l’observation de certains changements comportementaux. Les raisons peuvent être multiples et variées, mais bien souvent hors de notre compréhension humaine. De ces oiseaux voyageurs, la plupart d’entre eux retrouveront leur chemin vers leur «pays» d’origine. Des observations locales qui nous rappellent à quel point les différents écosystèmes dans lesquels nous vivons sont tous interconnectés, aussi lointains soient-ils.
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