par Valérie Blanchet
Pour vous donner une idée rapide du défi qu’il nous a été donné de relever suite à notre arrivée ici, imaginez si, tout ce qui constitue des repères stables dans votre vie actuelle; votre travail, votre lieu de vie, vos amis, votre véhicule, et bien d’autres détails du quotidien, devenaient tout à coup incertains, inadéquats, inexistants. Le nouvel espace de vie est vivifiant, mais l’inconfort est constant et à mesure que le temps passe, que les obstacles perdurent ou se multiplient, la transition se transforme en une épreuve de tous les instants. Tout à coup, votre énergie à faire face à la nouveauté et à l’inconnu diminue. Les initiatives prises, et qui n’aboutissent pas, donnent le sentiment de tourner en rond. À un certain moment, à bout de forces, vous pensez pendant un instant que vous ne retrouverez plus jamais le bien-être ressenti dans notre vie d’avant.
Dans tout ce chaos existentiel, nous avons essayé de saisir toutes les occasions qui se présentaient pour s’évader en nature en famille. C’est ainsi que nous avons élaboré une pratique de sport hors du commun: Ski de fond pour moi et ski de randonnée avec peaux de phoque pour mon conjoint sur la terre de l’oncle et de la tante de ce dernier située dans une municipalité voisine. Nous parcourons ce terrain en suivant la piste tracée par la motoneige de l’oncle en question, avec notre fille perchée dans le porte-bébé sur le dos de son papa. Les skis de randonnée, plus lourds, plus larges, peuvent aisément sortir des sentiers battus par la motoneige, mon conjoint peut ainsi tracer sa propre piste à travers la forêt ou dans l’infini des champs. De mon côté, les ondulations du terrain sont autant de montées qui font pomper le système cardio-vasculaire, que de descentes qui me mettent un sourire au visage.
Ces sorties ont été de véritables évasions de notre quotidien pour aller respirer de l’air, pas seulement pour nos poumons, mais aussi pour notre mental. Et en parcourant les champs semés de vallons et la petite érablière qui se trouve au bout de ce terrain, un sentiment de liberté incroyable s’est fait ressentir pour nous: tout à coup, les problèmes rapetissent, les inquiétudes s’amenuisent et peu à peu cette conviction surgit: avec notre ingéniosité tout est possible, nous avons tous les moyens en nous et autour de nous pour passer à travers cette étape de notre vie. Mieux, des projets emballants nous attendent au prochain détour. Dans tous les moments creux de ma vie, sortir dehors, exister pendant un moment sans ressentir le poids des responsabilités qui m’incombaient à ce moment précis de ma vie, aura toujours été une panacée, autant aux maux de l’âme que ceux du corps. Sentir la morsure du vent frais sur ses joues, accélérer son rythme cardiaque, voilà l’occasion de ressentir la force de la vie qui est en moi et que j’oublie parfois quand je reste enfermée chez moi et dans ma routine.
Nous sommes à la mi-mars, des dossiers ont débloqué. Je sens que nous grandissons, que des peurs ou des limitations qui nous empêchaient de bouger et d’avancer, sont souvent des frontières illusoires. Cela passe parfois par une déconstruction complète des idées que nous avions. Nous trouvons en nous des forces que nous ne soupçonnions pas. Par exemple, vivre avec peu de moyens financiers, nous a obligé à vivre dans la frugalité, c’est-à-dire à prendre conscience de chacune de nos dépenses, en questionnant si celle-ci était essentielle ou non. Nous avons ainsi réalisé la futilité de certains de nos choix du passé en matière de consommation.
La vie est cyclique et c’est justement la beauté de l’enchaînement des saisons. Aucun état n’est permanent, tout ce qui nous entoure est en constante évolution même si ce mouvement est parfois imperceptible. Lentement, nous sortons de l’étau de l’hiver, bien que la température ait été plutôt clémente cette année. Les journées sont plus longues, le soleil est plus haut dans le ciel, ses rayons plus ardents font fondre la neige. Au moment où vous lirez ces lignes, la sève montera dans les érables, à moins d’un hiver qui s’étire en longueur…, et nous serons de retour sur cette terre familiale qui aura été un terrain de jeu incroyable en plein cœur de l’hiver. Cette fois, ce sera pour aider l’oncle et la tante à faire les sucres et saisir la force incroyable de la nature qui se réveille au printemps.
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