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« Le silence tue, l’ignorance tue », Elisapie Isaac

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par Valérie Blanchet

Lorsque je vivais à Whistler, toutes les fois où il y avait un événement qui réunissait toute l’école où je travaillais, la cérémonie s’ouvrait sur un discours pour reconnaître que nous nous trouvions sur les terres de l’une des Premières Nations de la Colombie-Britannique. Souvent, un membre de cette nation était présent pour nous donner sa bénédiction, jouer sur un grand tambour et nous partager une danse ou une histoire de son peuple. Nous pouvions ainsi entendre cette langue que les rivières, les lacs, les forêts de cèdres rouges et les montagnes ont entendu résonner pendant des millénaires. C’est peu me direz-vous? Mais c’est le début de quelque chose, c’est reconnaître le peuple présent dans ce lieu depuis des millénaires. C’est aussi une tentative de faire connaissance et d’établir un dialogue empreint de respect et de dignité.

À Whistler, (Skwikw, en langage squamish) nous étions sur un territoire partagé par les nations Lil’wat et Squamish. Skwikw était un lieu de passage et d’échange pour ces deux nations, un point de rencontre dans les montagnes côtières entre la mer où vit toujours la nation Squamish et les vallées entourées de montagnes situées à 130 km au Nord-Ouest. Les enfants sont ainsi exposés tôt à cette notion que le territoire a été habité et parcouru bien avant l’arrivée des Blancs, par des peuples distincts qui avaient une culture propre. Ils apprennent aussi à connaître et à respecter leurs descendants qui vivent toujours sur ces territoires.

Que savons-nous ici de la nation qui a habité la région de Matane? Leurs descendants y sont-ils toujours? Où vivent-ils? Est-ce que nous les convions à nos célébrations? Est-ce que l’on a la chance d’entendre régulièrement la sonorité de leur langue ou celle des différentes langues autochtones qui sont encore parlées à travers le Québec? D’entendre les rythmes qui scandent leurs chants et de connaître la sagesse qui émane de leurs légendes? Connaissons-nous l’appellation d’origine des rivières, des lacs, des montagnes qui nous entourent? Est-ce que nous demandons la permission à ces nations de vivre sur leur territoire? Quelle est notre relation à ces communautés? Comprenons-nous les terribles torts qui ont été causés aux Premières Nations du Québec par les politiques de contrôle et d’assimilation dont ils ont été victimes à travers l’histoire et en particulier à l’époque très récente des pensionnats qui retiraient les enfants de leur famille pour les « civiliser » et les « éduquer »? Comprenons-nous la souffrance qu’ils portent en eux d’avoir été séparés de leurs proches et de leur culture et bien souvent abusés et maltraités par les enseignants et les responsables de ces institutions?

Je vous partage ces réflexions à la mémoire de Joyce Echaquan, cette mère Atikamekw qui est décédée le 28 septembre à l’hôpital de Joliette dans des conditions inhumaines. Si elle n’avait pas ouvert son téléphone pour filmer son agonie, le Québec n’aurait jamais su la maltraitance qu’elle a subie avant sa mort par le personnel qui avait le devoir de la soigner. Combien d’autres autochtones du Québec souffrent ainsi quotidiennement en silence, sans qu’il y ait des témoins pour dénoncer le traitement qu’ils subissent?

Le lendemain, la chanteuse innue, Elisapie Isaac, lançait un douloureux cri du cœur sur Instagram à François Legault pour dénoncer son propos suite à cet événement et dans lequel il affirme que le racisme systémique n’existe pas au Québec. Bien qu’il y ait différentes initiatives pour éduquer les jeunes sur l’histoire des autochtones, elle se demande quelles mesures gouvernementales sont prises pour éduquer la population qui n’est plus sur les bancs d’école.

Elle déplore aussi le fait que certaines communautés autochtones vivent toujours sans eau potable (pourtant la problématique avait été abordée en profondeur et dénoncée il y a plus de 10 ans dans Le Peuple invisible (2007), un documentaire réalisé par l’auteur-compositeur-interprète Richard Desjardins). Elle parle aussi d’une autre pandémie chez les Innus dont les médias ne diffusent jamais le nombre de mort au quotidien et qui s’appelle le suicide; une conséquence directe des traumatismes vécus dans les pensionnats et par la colonisation, dit-elle. Elle souhaite une meilleure visibilité des autochtones sur la place publique afin que la perception de la population et des gouvernements change et que les autochtones ne soient plus « un cas à régler ». https://www.instagram.com/tv/CFxL8CAnH_c/

Le 10 octobre, elle et 37 femmes autochtones signaient une lettre adressée au premier ministre Legault dans laquelle elles réitèrent le besoin criant de reconnaître cette problématique afin que le profilage dont sont victimes les autochtones, dans les institutions et les services publics au Québec, cesse une fois pour toute.

Je vous invite à aller visionner Autochtones 102, une excellente capsule éducative animée par Maïtée Labrecque-Saganash sur le site de Télé-Québec. Vous en apprendrez davantage sur les 11 nations autochtones présentes au Québec, leur histoire depuis la colonisation, les luttes qu’ils mènent toujours pour faire reconnaître leurs droits et les défis qu’ils ont à relever au quotidien : https://briserlecode.telequebec.tv/LeLexique/51528/autochtones-102

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