Par Danielle Ross
Fin juin
Couvent des Sœurs du Saint Rosaire
Saint-Ulric
Il y a bien longtemps
Dernière semaine d’école
Tout est effervescence
Nous sommes comme des « petites queues de veau »
Comme dit ma mère Annette Ouellet
Nous avons si hâte de ranger le sac d’école
Celui dont en septembre nous respirions l’odeur avec tant de bonheur et d’espérance
Il ne nous intéresse plus
Idem pour les crayons Prismacolor
Cadeau de mes grandes sœurs
Maintenant ils n’ont plus aucun effet sur moi
J’ai tellement aiguisé celui de couleur Tangerine
Qu’il n’en reste qu’un petit bout qui se perd à travers les autres.
Le crayon violet lui n’a jamais servi
Je ne peux dire pourquoi
Peut-être parce que c’est la couleur de l’étole de M. Le Curé
Cette couleur représente pour moi la tristesse et la mort
Mais là nous sommes fin juin
Même les religieuses sont énervées
Pour elles aussi les vacances s’en viennent
Fini les réprimandes
Les avertissements
Elles sont jeunes
Sauf la sœur cuisinière
Elle est tellement vieille
Je sais maintenant qu’elle n’avait pas 40 ans
Et pour ce dernier jour de juin
La Mère Supérieure nous a annoncé
« Nous ferons un pique-nique derrière le couvent
Et peut-être… oui peut-être…
Nous monterons la côte du couvent derrière les marronniers
Et nous irons pique-niquer dans le champ en haut »
À l’époque il n’y a pas de 132
Seulement la voie ferrée
Le champ d’en haut est toute une aventure
Le mystère
L’inconnu
Nous sommes revenus chez nous raconter à nos mères
Que nous ferons un pique-nique
Et que moi je veux de l’orangeade Solex et un sandwich au Paris Pâté
Les religieuses fourniront le dessert
Nous voilà enfin à ce jour tant attendu
La cloche sonne pour la fin des classes
Nous descendons à la course par le grand escalier
Derrière le couvent
Tenant bien fort les denrées que nos mères ont préparées
La « canne » de graisse vide faisant souvent office de boite à lunch
Nous n’irons pas sur la côte
« Le temps est trop incertain » dit La Mère Supérieure
Notre titulaire Sr St-Camille est souriante
Si belle
Son voile vole au vent
Dégageant un peu ses cheveux
Sous cette grande robe noire
Il y a une jeune femme
Elle tourne sur elle-même
Nous la regardons, elle si timide, danser sous le soleil
Toutes et tous derrière le couvent
Nous jouons au ballon
À la corde à danser
« À la Petite Salomon qui est assise sur ses talons »
Les plus hardis se cachent derrière les marronniers
Où notre supérieure les déloge
Et les ramène dans le groupe
Elle sourit
Elle aussi s’amuse
Ce n’est pas un long voyage
Pas de parc aquatique
Ni de Vieux-Québec aller-retour
Mais nous tous sommes unis
Dans ces rondes et dans ces jeux
Voir nos religieuses s’amuser
Et distribuer les biscuits blancs glacés au sucre à la crème
Sont pour nous le début des vacances
Nous retournons à nos maisons
En riant et en gambadant
Un peu nostalgiques aussi
C’est le temps pour nous de commencer notre été
Les sacs d’école et les étuis à crayons prennent place dans la garde-robe
Moi je sais qu’en septembre j’aurai besoin d’un nouveau crayon tangerine
Mais pas de crayon violet
Surtout pas
Mais l’automne est encore bien loin
L’été peut commencer
Les religieuses se reposer
Et nos parents nous endurer pour l’été
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