par Jérémie Hébert
On m’a demandé d’écrire dans ton journal. J’y réfléchis depuis… Est-ce que je peux me le permettre, moi, l’imposteur ? Quelles sont les règles d’écriture dans ton journal, faut-il être drôle, poétique, un réel reporteur ? Faut-il écrire un texte empreint d’émotions, un texte léger, un texte sérieux ?
Tant de questions qui habitent un éternel anxieux en quête d’assouvir son léger côté perfectionniste (côté limite enquiquinant, on va se le dire). Pourquoi moi ? Je n’ai rien d’un reporteur, même que le plus proche que j’ai été d’un reporteur, c’est en secondaire trois avec mon reporteur d’angles !! Bref, je pense que l’on ne se connaît pas encore, c’est moi ! Moi, l’étranger arrivé en ton merveilleux village en juillet 2020. Moi, l’étranger, qui devra encore porter ce titre d’étranger ou d’immigrant pour les 49 prochaines années et 11 mois… C’est pas grave Ulric, je suis patient. D’autres sont un peu moins patients et achètent la moitié des immeubles du village. À chacun ses astuces !
Oui, Ulric, encore un autre énergumène de la grande communauté métropolitaine de Montréal. Non, je n’ai pas la COVID, non je n’ai pas les souches dans mes boîtes, oui je mets mes déchets dans la poubelle. Oui, je viens de Montréal, mais au moins je ne viens pas de Baie-des-Sables. Attiré dans la région en 2018 pour travailler dans le merveilleux secteur de la santé et des services sociaux (oui, oui, un deuxième facteur de risque de la COVID), j’ai finalement décidé de me poser dans ton village.
En emménageant chez toi, à Saint-Ulric, j’ai comme eu l’impression d’être une perle qui s’installe dans une moule. J’imagine que cette expression boiteuse est claire pour les habitants d’un village en bordure du Saint-Laurent. On se sent si bien dans ton village, Ulric, je pense que je n’ai pas à te convaincre, mais au cas où je vais te les énumérer tout de même: Tu sais que ton village va bien, lorsque ton village a son orthophoniste alors que dans l’ensemble du Québec, le manque d’orthophoniste est criant; Quand le seul trafic que tu croises dans le village, c’est lorsqu’une automobile recule de l’épicerie du village; Que même si tu es un village, tu as ton épicerie.
Bon, c’est sûr qu’il y a quelques petits défauts, par exemple, plusieurs fois par année, tu nous ramènes au Moyen Âge en nous privant d’électricité. Trop souvent, selon certaines personnes du village, même si selon les gens de Matane, c’est surprenant qu’il y ait l’électricité à Saint-Ulric. Bon, ça y est, j’ai fait le tour des défauts du village que je connais, en fait, un défaut, pour qui n’aime pas le Moyen Âge.
Ulric, si j’ai décidé de m’établir chez toi, c’est surtout parce que je trouve merveilleuse la solidarité qui t’habite et qui semble une valeur bien ancrée chez tes résidents. Malgré cette solidarité, il existe une rivalité entre les gens de l’est et de l’ouest (Ulric va falloir que tu m’expliques cette rivalité). Malgré cette rivalité, la solidarité de ton village est si forte, qu’elle sait unir les gens de l’est et de l’ouest, en passant par les gens du centre et les gens des terres, autour d’un feu, d’une bière, de rires, l’instant d’une soirée animée.
Ulric, ta solidarité est si forte qu’elle dérive en entraide, cette entraide qui s’illustre par des gens qui donnent accès à leur terrain à des gens afin qu’ils puissent accéder à la grève, des gens qui font leur épicerie et qui apportent des trucs à leurs voisins, des gens qui organisent une fête à quelqu’un géographiquement loin de sa famille ou des gens qui se prêtent leurs barbecues. Parfois en échange de services, parfois en simple bonne action. On retrouve bien sûr quelques exceptions à cette solidarité et cette entraide. Mais, Ulric, c’est aussi ça un village. Ulric, cette solidarité est si inspirante et permet à chaque personne de contribuer à la richesse culturelle du village.
Ulric, je suis chez toi depuis peu, mais je suis déjà atteint de la fierté Ulricoise.
J’ai enfin trouvé un moule riche en perles de valeurs inestimables. Au plaisir d’apprendre à te connaître Ulric et au plaisir de contribuer à la solidarité, l’entraide et la vie municipale qui t’habite.
Signé,
L’étranger du village
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