par Valérie Blanchet
J’écris ce billet en plein cœur de la canicule qui frappe le Québec depuis 10 jours et Saint-Ulric depuis 2 (c’est dire la chance que l’on a de vivre sous les vents du large qui tempèrent les ardeurs climatiques!) Je reviens d’un petit bain dans le fleuve dans une eau surprenamment fraîche compte-tenu de la météo des derniers jours. Ici, les enfants se baignent, les adultes se saucent par temps de grande chaleur, quelques fanatiques de sport y plongent aussi, bien protégés par leur combinaison pour pratiquer le kite surf ou la planche à pagaie. Pourtant, le potentiel de se baigner ici plus qu’une petite semaine par année est là, à condition d’apprivoiser la température de l’eau!
J’ai toujours aimé le froid. Je ne suis pas plus brave qu’une autre, mais arriver à se rouler dans la neige en sortant d’un spa a toujours présenté un défi que je trouvais intéressant à relever. Sous la même impulsion, je me suis baignée dans des lacs alpins, j’ai sauté dans des rivières alimentées par des glaciers, j’ai trempé dans le Pacifique au mois de novembre en «wetsuit» pour apprendre le surf. Une année, j’ai poussé la saison de la baignade tard en septembre, apprivoisant peu à peu le refroidissement de l’eau sous le coup des journées qui raccourcissaient et des nuits plus froides. Quand on plonge à l’eau, il ne suffit que de quelques secondes pour sentir le mordant du froid jusque dans ses os et si on ose se mettre la tête sous l’eau, ça crée un effet similaire à avoir pris une trop grosse gorgée de «slush». C’est surtout après la baignade que l’effet se fait ressentir; c’est comme un grand coup de pompe, on sent la circulation du sang réchauffer toute la surface de son corps et un incroyable bien-être s’installe: on se sent vivant comme jamais et connecté à son environnement d’une manière bien spéciale.
Mes espoirs de baignade dans le fleuve ont été beaucoup nourri dans les derniers mois par ma découverte de Wim Hof, un athlète hollandais de l’extrême qui est aussi surnommé l’Homme de glace (The Iceman). Au cours de sa carrière, il a battu de nombreux records d’exposition au froid, dont une immersion de deux heures dans un bain de glaçons et une tentative de faire l’ascension de l’Everest en short (il devra abandonner à 7200 m. d’altitude car il a les orteils gelées). Pour y arriver, il a élaboré un entraînement qui comprend de la respiration, des immersions en eau froide et de la focalisation mentale. La science s’est intéressée à ses performances et de nombreux chercheurs ont tenté de comprendre les capacités d’adaptation des différents mécanismes du corps lorsque celui-ci est soumis au froid en lien avec les techniques d’entraînements qu’il a mis au point.
C’est le suicide de sa femme qui le laisse seul pour élever leurs quatre enfants qui est le point de départ de sa conquête du froid. Il s’interroge et cherche un sens à la tragédie dans laquelle il est plongé : il trouvera la réponse à l’intérieur de lui-même: «Le froid est une force noble, il nous ramène à notre vraie nature, aux capacités d’adaptation de notre corps.» (Librement traduit de l’anglais d’après un commentaire de Wim Hof dans The Superhuman world of Wim Hof, un documentaire de Vice.) Il ajoute que le froid permet de découvrir cette «force brute en soi que nous ne connaissons pas», donc il agit autant au niveau physiologique que psychologique. En tant qu’humains, nous sommes dotés d’une fabuleuse machine, notre corps, dont nous connaissons à peine les potentialités.
Je suis loin de me baigner tous les jours dans le fleuve, mais c’est un objectif. Depuis six mois environ, je termine chacune de mes douches sous un jet d’eau froide. Ma tolérance au froid s’est beaucoup amélioré avec le temps et je dirais que c’est plus mental que physique; la peur que j’avais aux premiers essais a disparu. Au lieu de considérer l’eau froide comme quelque chose qui m’anéantirait et avoir le souffle coupé, je prends de profondes inspirations dans un premier temps, puis au moment de me glisser sous l’eau, je respire plus rapidement, ce qui me permet de demeurer combative mentalement et de rester en contrôle de ce qui se passe pour surmonter l’inconfort des premières secondes. Surtout, je sais que mon corps a les facultés pour s’y adapter.
Dans un monde où le stress mental est élevé, où le mode de vie sédentaire nous rend moins actif, nous isole du monde physique, le bain en eau froide fait œuvre de thérapie car il oblige à se réinsérer dans son corps et à réviser ses schémas mentaux, comme le souligne Hof: «En découvrant les fonctions de notre corps nous sommes capables d’accomplir beaucoup plus de choses que nous le croyons.» Qui sait si Saint-Ulric n’a pas un potentiel insoupçonné sur ses rives… À nous de le découvrir!
Bonne baignade!
Commentaires