Par Danielle Ross
4 jours avant Noël
mon père a coupé le sapin
un vrai sapin
Il trône fièrement dans le coin du salon
dans une grande chaudière de terre mouillée
On a installé l’échelle pour monter au grenier
Moi toute petite j’ai le cœur serré
Je vois maman qui grimpe
et juste en dessous il y a la cage d’escalier
Elle s’étire et je ne vois plus que ses jambes
et ses pieds nus sur l’échelle
Elle attrape une grande boite verte marquée Eaton
une boite de manteau délavée par le temps
Du bran de scie nous tombe sur la tête
Mon frère sautille en bas de l’échelle
Maman lui passe l’immense boite
et redescend saine et sauve
Nous les enfants formons un cercle autour d’elle
Ouvrir cette grande boite chaque année
c’est ouvrir la porte du bonheur
Des boules de Noël de toutes les formes
de toutes les couleurs
rapportées de son autre vie à Baie-Comeau
Des lumières en forme de lutins
et de bonhommes de neige
un Père Noël une Mère Noël une grande étoile
de la ouate
du papier rocher
des petites maisons
des morceaux de miroirs pour faire les lacs dans la montagne
les Rois Mages les bergers le bœuf et l’âne
des moutons et celui à trois pattes
le tout petit mon préféré
un Ange si magnifique si majestueux
que je n’ose même pas le toucher de peur de briser ses ailes
Marie Joseph
le berceau de paille
et la crèche
Ma mère ouvre un coffret de bois et
O Miracle
dans sa main apparaît le petit Jésus
tout frêle en cire blanche et aux cheveux blonds frisés
les deux bras tendus vers moi et pourtant il dort
Je me demande comment il peut me voir les yeux fermés
Nous parlons
nous rions nous nous énervons
Ma mère si aimante rit avec nous
Elle nous adore
Dans cette petite maison brune aux vieux bardeaux usés
perdue dans un village en Gaspésie
un 21 décembre il y a si longtemps
Ma Mère nous offrait une vie de château
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