par Hugues Deglaire, biologiste
Lors d’une belle journée en ce début décembre, j’étais invité chez un ami. Je roulais sur la route 132 en direction est, approchant les derniers virages avant de rencontrer le village de Sainte-Félicité. À cet endroit, mon regard fut capturé par une silhouette massive qui, telle une flèche, défiait avec aisance le vent du Nord-Ouest. Oh! Un faucon gerfaut!
Vite, demi-tour, une course s’engage: le faucon vole environ à 70 k/h me dit mon compteur, pratiquant régulièrement des décrochages vers le Nord afin de reprendre de l’altitude. Je n’ai pas beaucoup de temps, il vole déjà au-dessus de la plage de Petit-Matane, longeant les habitations, remontant au-dessus du clocher de l’église.
Il arrive maintenant sur les premières pentes de Matane. Pour moi, c’est l’entrée sur la route urbaine et plusieurs obstacles comme les lumières! Heureusement, il rencontre quelques goélands qui lui font perdre du temps en attirant son attention… Je le rattrape, je me poste, il passe à ma hauteur et je tire une première rafale d’images. Je le retrouve au phare de Matane, arrivé à peine avant lui pour faire une autre série de photos.
Et la course continue direction le port, ARGH! Perdu? Non, il est au ras de la mer, il s’éloigne de la côte pour contourner les brise-lames. Pour moi, c’est un autre obstacle, une zone d’habitations: deux arrêts. J’arrive sur la digue du port pour trouver plusieurs dizaines de pigeons déjà haut dans le ciel, et qui montent encore sans trop savoir où s’évader… Je comprends qu’il est déjà passé. Je détaille aux jumelles tous les poteaux, les brise-lames, les roches où il pourrait se trouver: rien. Plus loin en contre-jour, vers Matane-sur-mer, des goélands s’éparpillent en panique…
À cet instant précis, je comprends que le faucon a gagné la course: il avait déjà repris le chemin de l’ouest! Je roule jusqu’à Saint-Ulric en vain. Je l’ai suivi sur presque 20 kilomètres, et cette observation a duré quelques 22 minutes.
Le faucon gerfaut vient passer la saison hivernale chez nous, je rencontre cet oiseau entre zéro et trois fois par année. Son plumage est très variable, du noir anthracite au blanc presque pur, mais tous les intermédiaires existent. Il a la taille d’un grand corbeau. Avec son envergure d’un mètre quarante, il est taillé pour la vitesse, comme tous les faucons, et il est capable de pointes à plus de 250 km/h lors de ses attaques contre les pigeons, goélands et autres corvidés. Il chasse en longeant la côte, dans les milieux ouverts, mais la communauté scientifique a découvert récemment que certains individus passaient l’hiver dans les mers arctiques de l’hémisphère nord à chasser les canards de mer dans la nuit polaire: il n’a pas froid aux yeux le faucon gerfaut! Je vous en parle et j’ai déjà hâte à ma future rencontre avec mon oiseau préféré.
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